Affichage des articles dont le libellé est B / Portraits de chercheurs. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est B / Portraits de chercheurs. Afficher tous les articles

lundi 2 mars 2015

Jean-Paul LANQUETIN



1. Quel est votre parcours professionnel ?

Je suis issu de la discipline psychiatrique, infirmier de secteur psychiatrique depuis 39 ans, j’ai commencé à une époque où l’un des enjeux majeurs était de s’impliquer dans le passage et la transformation de l’institution asilaire d’alors en véritable hôpital. Dans la continuité de cette perspective, j’ai travaillé au développement du secteur dans plusieurs institutions avant de prendre il y a une douzaine d’année un poste en ambulatoire basé sur un CMP (Centre Médico Psychologique).
Afin de promouvoir mon métier, j’ai choisi de rester infirmier pour développer et affirmer de l’intérieur les différents champs professionnels et missions qui nous sont dévolus. Ainsi, j’ai toujours maintenu une implication institutionnelle et professionnelle soutenue, et depuis plus de 20 ans, je mène une activité d’auteur, de formateur, puis de tuteur. C’est dans ce mouvement que la rencontre avec la recherche s’est faite dans les années 2000.

2. Pouvez-vous nous présenter votre dernier travail de recherche (en cours ou terminé) ?

Notre rapport de recherche a été déposé au printemps 2012 auprès du Conseil scientifique de la recherche (CSR) du CH Vinatier (69). Il concluait une démarche entreprise avec ma collègue Sophie Tchukriel, infirmière en psychiatrie, des années avant. Notre recherche est une recherche qualitative descriptive (méthodologies en sciences humaines et sociales) qui s’intéresse à l’activité réelle des infirmiers en psychiatrie en unité d’hospitalisation temps plein. Pour aller au plus près de cette activité, nous avons choisi une porte d’entrée  adossée à l’analyse du travail et nous avons choisi le terme d’informel. Il s’agit alors pour nous de  nommer l’écart conséquent qui existe entre, d’une part des soins prescrits, programmés, planifiés et des actions non programmées, et d’une autre part entre activité réelle et saisie de cette dernière par acte de soins.
Nous pourrions résumer cet objet de recherche de la manière suivante : « Que font les infirmiers quand ils ne sont pas dans le faire ? ». Il s’agit donc d’identifier, de caractériser et de qualifier cette part quantitativement importante de l’activité (plus de 50% du temps). Cette démarche d’approche scientifique du rôle propre infirmier en psychiatrie, et finalement bien au-delà de notre champ disciplinaire, n’avait jamais été entreprise auparavant.
Cette recherche en soins est multicentrique, nous avons investigué quatre hôpitaux et huit unités de soins. Nous avons travaillé par observations participantes périphériques (24 séquences), entretiens semi directifs (48) auprès de trois populations (Infirmiers, cadres et médecins) et enfin, par actions dialoguées.
Nous avons eu recours à une démarche par théorisation ancrée pour isoler les 3100 unités d’action composant le matériel empirique.
Nous avons ainsi dégagé trois niveaux de résultats : la caractérisation de 139 fonctions en lien avec ces activités de soins informelles, une analyse quantitative de ces données qualitatives (variable de lieux, de temps, d’unités etc…) enfin, le dégagement des invariants opératoires.

L’ensemble et la richesse de nos résultats permettent d’apporter une visibilité et une lisibilité à ces « dessous du soin ». Ces derniers s’appuient sur le réel, le journalier et ses objets comme autant de situations utilisées potentiellement comme des médiateurs de la relation.
Par ses qualités de souplesse et de malléabilité, par sa réactivité et sa capacité à s'immiscer dans les moindres méandres du quotidien avec le patient, l’informel, soit l’ensemble de ces micro et miniactes (Guy Le Boterf – 1978) participe d’une trame et d’un maillage relationnel, lequel concourt à une construction de la relation avec nos patients. L’ajustement de ces actions et de ces interventions agit comme  un opérateur initial et continu pour ces dimensions du soin psychique.

3. Pourquoi vous êtes-vous investi dans la recherche en soins ?

L’investissement dans la recherche correspond pour moi à la nécessité de sortir, en tous cas de dépasser le champ de la proposition et du récit pour entrer dans celui du fait objectif. Ainsi, en termes de résultats, les multiples aspects du soin informel qui constituent des pans entiers du rôle propre infirmier deviennent des espaces professionnels nommés par un véritable concept.
Oui, il s’agit bien alors d’apporter une dimension scientifique à nos pratiques cliniques et ici à nos pratiques cliniques de base en psychiatrie. Or, il faut des bases et fondations, pour construire et asseoir une position professionnelle.
L’appui sur un  rapport à l’écriture antérieur à la démarche de recherche a constitué une des ressources et une des proximités de posture entre mon exercice professionnel au quotidien et l’activité de recherche.

4. Pourquoi avez-vous choisi la voie de la recherche en soins ? Est-ce quelque chose qui vous a toujours tenté ou bien est-ce qu'une rencontre a été déterminante dans votre vie ?

Je n’avais au départ pas de représentation précise de la recherche hormis celle du savant en blouse, à lunettes rondes et à la toison blanche échevelée, établi dans un lointain laboratoire, qui se penchait frénétiquement sur son microscope électronique traquant d’improbables microbes.
Je ne sais pas si j’ai choisi la voie de la recherche où si c’est cette dernière qui m’a choisi. Rien ne m’y prédisposait, rien, si ce n’est toutefois deux éléments.
Le premier tient à mon travail de soignant et à la confrontation quotidienne aux difficultés psychiques des patients que nous accompagnons. Un travail où les questions restent plus nombreuses que nos explications et où les interrogations demeurent plus fréquentes que nos réponses. Une sorte d’insatisfaction, parfois, devant la modestie de nos soins confrontés à certaines réalités du fait psychopathologique, laquelle invite à adopter une posture réflexive et donc à la nécessité d’augmenter son propre niveau de connaissance.
Le deuxième élément tient au peu de cas qui est fait de la réalité de l’exercice infirmier en psychiatrie et des savoirs qui le portent depuis une vingtaine d’années. Comment être satisfait devant un tel constat où ces savoirs sont écrasés, sous-estimés ou même disqualifiés dans une culture psychiatrique de la rencontre avec le patient qui se perd ?
Des motivations de départ très concrètes donc, et puis ensuite, quelques rencontres déterminantes pour finaliser un parcours de ce type.

5. Être chercheur et professionnel de santé, cela doit donner un emploi du temps chargé : pouvez-vous nous en donner un aperçu ?

Infirmier responsable de recherche n’est pas un statut, cela correspond aujourd’hui à une mission au titre de ma fonction d’infirmier. C’est pourquoi, nous nous  définissons comme  infirmiers et praticiens chercheurs en soins, afin que nos énoncés soient entendus d’un autre lieu que celui de notre position d’infirmier. Mais ce titre ne nous est décerné par personne, il est de fait « autoproclamé ».
Dans tous les investissements de ce type, et la question a bien perçu cette dimension, il y a une part d’investissement qui dépasse, largement, les rives parfois étroites du contrat salarial. Au-delà d’une dimension militante essentialisante, l’aménagement entre les deux reste une construction. Nous ne sommes pas dans le domaine de l’emploi, mais du travail, avec l’acception des deux principales dimensions de ce terme que sont la réalisation d’une tâche et la prise en compte des investissements immatériels qui la portent. Cette part immatérielle, c’est l’engagement que nous avons choisi de soutenir et le sens qu’elle prend pour ses acteurs.
Concrètement, notre recherche représente 4600 heures de travail réparti sur deux chercheurs, dont 1300 pour la phase rédactionnelle. Nous avons travaillé sur un 0,20 ETP (Équivalent temps plein) sur cinq années. C’est-à-dire en pratique, dans une partition à 60% part salariale et 40% part personnelle. Il y a eu des grosses semaines et un impact sur nos vies personnelles.
Enfin, cela a été possible parce que nos collègues de proximité ont absorbé la charge résiduelle de travail liée à nos absences et  se sont toujours montrés solidaires. Il s’agit donc d’une entreprise collective.

6. Pensez-vous que la recherche en soins prend aujourd'hui un tournant ?

Oui, nous sommes à un tournant. La mise en place des PHRIP a soulevé une dynamique.
Dans notre champ disciplinaire, une des difficultés que nous avons rencontrée dans notre démarche était de n’avoir aucun modèle de recherche en soins sur lequel on aurait pu s’appuyer. Il a fallu tout construire, de la stratégie d’investigation, aux méthodes de traitement en passant par les outils d’investigation.
Aujourd’hui, la recherche en soins dans notre discipline est certes tout juste émergente, mais le mouvement est là et il est appelé à s’affirmer, des initiatives se multiplient, des réseaux se construisent. Les principaux acteurs de la psychiatrie, fédération hospitalière, conférences des présidents de CME, associations de familles et de patients se sont prononcés sur le principe d’un master « recherche en soins ». Indépendamment des questions relatives à sa faisabilité, cela aurait été impensable il y a encore 5 ans.

7. Aujourd'hui, vous sentez-vous reconnu en tant que chercheur en soins ? Pourquoi ?

J’ai envie de répondre que nous sommes passés de l’ombre à une certaine lumière.
Nous avons commencé à travailler dans l’atelier bricolage du centre de jour de ma collègue, entre perceuse et tournevis,  pour ne pas « interférer sur les organisations existantes ». Nous avons connu un nomadisme qui nous a fait déménager 12 fois de locaux. Enfin, pendant les trois premières années, nous avons passé autant de temps à essayer de définir et négocier un cadre de travail, …qu’à travailler à notre recherche.
Il a donc fallu s’accrocher.

Aujourd’hui, et des années  après, où en est la situation ?
Des locaux dédiés, lumineux avec leur signalétique ont été mis à la disposition du Groupe recherche (GRSI) à l’entrée l’établissement dans lequel je travaille. Les moyens en temps alloués à cette activité sont passés en 8 ans de 0,2 Etp, à 0,3 Etp, puis 0,5 Etp pendant deux ans. Depuis le début 2015, je bénéficie d’un temps plein sur cette activité. L’inauguration de ces locaux a eu lieu en janvier en présence de notre ARS et de Mme Chantal Eymard, adossée à la première rencontre de la recherche en soins en psychiatrie, elle a réuni cent participants venant de 25 établissements. Des collaborations nationales et internationales avec la Belgique francophone se sont créées à partir de nos résultats de recherche.
La question de la reconnaissance mobilise trois dimensions pour le chercheur, une dimension matérielle, sociale et symbolique. Si, sur le premier point, les choses restent inchangées, les avancées sur les deux autres points sont sans équivoque.

8. Pensez-vous que la recherche en soins gagnerait à être plus médiatisée en France ?

Sans doute, cela contribuerait à modifier les représentations sociales liées à nos professions dites « paramédicales » et affirmerait  que l’on peut être moins « para quelque chose ». Mais, le cœur  d’une communication médiatisée doit s’adresser à nos pairs. L’enjeu principal tient à la diffusion d’une culture de recherche. La recherche en soins part de questions liées à la pratique pour les traiter dans un cadre scientifique et ses résultats retournent à la pratique.

9. Les moyens dont vous disposez vous semblent-ils suffisants ? adaptés ?

Cette question est directement liée à celle de la reconnaissance. Que serait une reconnaissance sans moyens ? Nous sommes partis d’un constat pragmatique, parler de la recherche, c’est bien, en faire, c’est mieux.
Les moyens alloués aujourd’hui  sont plus le résultat que la condition pour avoir une activité de recherche. Mais au-delà, de mon parcours, il s’agit bien de construire des cadres pérennes et de diffuser une dynamique et une culture de recherche.
A l’exemple d’un groupe de professionnels de mon établissement, qui vient de finir un premier niveau de formation aux méthodologies. D’ores et déjà, cet accompagnement est prévu sur un plan pluriannuel et du temps de recherche est dégagé en intersession. Les moyens arrivent avec la reconnaissance de la recherche, et cette reconnaissance arrive dans un deuxième temps, c’est-à-dire avec la démonstration de l’utilité et de la complémentarité de la contribution, pour nous infirmière, de la recherche.

10. Que souhaiteriez-vous voir développer pour soutenir vos travaux ?

A mon sens, la question essentielle qui se pose aujourd’hui tient à la diffusion et à la communication des résultats de recherche.  Là encore, je souhaite être pragmatique.
La finalité d’une recherche vise à la diffusion de ses résultats et à l’intégration de ceux-ci dans les pratiques de soins. Les mécanismes et les voies de l’appropriation appartiennent aux acteurs de terrain. Le chercheur met à disposition son travail et peut s’enrichir des modalités d’appropriation. Les enjeux pour moi ne portent pas, dans ce premier temps, sur l’acquisition de points SIGAPS ou de crédit MERRI.
Notre communication est double, à destination de nos pairs et d’autres publics, elle porte autant sur la promotion de le recherche en soins que sur ses résultats. Pour ces derniers,  ils touchent à la clinique, à la formation initiale et continue, mais pas uniquement.
En effet, en faisant apparaitre de manière rigoureuse cette variable masquée de l’activité, nos résultats peuvent également avoir un impact sur les organisations, les approches qualité, voire, ainsi que les professionnels Belges Francophones l’ont fait, être utilisés comme un objet partagé entre logiques soignantes au quotidien et approches médico économiques. D’ailleurs à cette fin, un groupe d’initiative a nommé nos résultats avec le mot synthèse de SocleCare, un « socle du  prendre soin » en psychiatrie.

Le point et l’enjeu pour demain des recherches en soins tiennent à mon avis à cette étape qui recouvre la diffusion et la réintégration des résultats de recherche. C’est par cette voie  et cette visibilité que se diffusera le plus surement une culture de recherche.

11. Quels sont les freins les plus forts auxquels vous avez dû faire face ?
  
Je ne saurais pas par où commencer. L’incrédulité des uns ? La frilosité des autres ? L’accumulation de difficultés matérielles, malgré la validation d’un financement par le CSR, difficultés liées à l’absence de tout cadre initial de travail. Viennent ensuite quelques errements méthodologiques, un isolement de fait et autant le dire, les attaques envieuses. Par exemple, dans mon propre pôle, au-delà des collègues de proximité, il a fallu composer avec une indifférence et un désintérêt constant.
Mais, plus que les freins, ce sont les ressources qui méritent d’être mentionnées. Elles sont au nombre de trois : l’appui indéfectible de notre guidante méthodologique, Mme Geneviève Roberton, le soutien de mon établissement via le directeur des soins puis l’intérêt et les coups de pouces de notre ARS Rhône-Alpes psychiatrie et santé mentale.
 
12. Travaillez-vous en réseau ?

Non, nous n’avons pas travaillé en réseaux, faute de réseau dans notre discipline. Fort de cette expérience, je participe à mettre en place un réseau d’échange et d’appui « recherche en soins en psychiatrie ». L’initiative d’un rendez-vous annuel de rencontre sur ce thème en constitue le maillage central.

13. Quels sont vos projets dans le domaine de la recherche en soins ?

Mon parcours m’enseigne que les phases de diffusion et de communication sont essentielles si l’on souhaite que notre rapport de recherche connaisse un destin plus proche d’un impact sur les pratiques que celui de l’étagère. Il faut donc des années pour labourer un terrain où cette culture n’existe pas ou peu, et l’éventail de nos résultats se prêtent à une temporalité de ce type. A titre indicatif, il y a 540 établissements en France habilités dans le secteur de la psychiatrie et je suis ou j’ai été en contact avec 70.
A un niveau local, mes projets concernent une politique recherche en soins avec  en priorité l’accompagnement du groupe en formation et pourquoi pas demain, un devis en direction d’un PHRIP.
A un niveau régional, notre ARS vient d’acter la création d’un Centre ressources des métiers et compétences de la psychiatrie dans lequel va se décliner un volet promotion de la recherche en soins.
Le niveau national va concerner la mise en place et le positionnement de notre établissement dans une dynamique disciplinaire de rencontres annuelles.
Enfin, à ce jour, le niveau international francophone se traduit par la mise en place d’un partenariat franco/belge  d’abord entre nos établissements. Signalons qu’en novembre 2014, une journée Soclecare, pour ce nom donné à nos résultats de recherche, a réuni 46 institutions à Dave/Namur, (Etablissements, Haute Ecole, Fédération hospitalière etc..). C'est-à-dire la très grande majorité des établissements de la Belgique francophone.

14. Avez-vous participé aux 1es Journées Francophones de la Recherche en Soins aux JFRS 2013 ? Qu'en avez-vous retiré ? Une suggestion pour la prochaine édition ?

J’ai participé aux 1es JFRS en 2013. Au-delà d’une organisation et d’une qualité d’accueil remarquable, j’en ai retiré deux constats. D’une part, le constat d’une diversité de travaux m’a impressionné, d’autre part il existe une réelle dynamique de recherche maintenant à notre niveau national. Les Journées Francophones participent à la visibilité et à la structuration de ce paysage. Par ailleurs, ces journées ont été riches en termes de rencontres et d’échanges, ces multiples mises en lien et connexions sont nécessaires et souvent précieuses par les relais qu’elles procurent.

J’avais pour ma part souhaité qu’entre les séances plénières et le format de communications de recherche par poster puisse émerger des espaces intermédiaires de présentations de travaux en cours ou réalisés.*

* NDLR : remarque prise en compte pour l'édition des JFRS 2015, les 9 et 10 avril prochains

15. Le mot de la fin…  

Le mot de la fin pour calmer ma faim de mot.  Par sa contribution aux soins, la recherche infirmière et paramédicale participe à la reconnaissance des métiers et demain d’une discipline. J’ajouterais volontiers que la recherche en soins est un moteur de développement mais aussi un outil de réappropriation d’une clinique infirmière en psychiatrie et de reconquête de nos métiers du soin. La création de cette spirale ascendante entre pratique et savoirs permet  de mettre en perspectives les savoirs de base, les savoirs d’actions et les savoirs « d’en haut » ou académiques. 


Jean-Paul Lanquetin
CH de saint Cyr au Mont d’Or

lundi 3 février 2014

Claire RABAUTE



1. Quel est votre parcours professionnel ?

1997-2000                Orthoptiste libérale à Cherbourg
2000-2001                Collaboratrice libérale à Grand Quevilly
2001-2004                Orthoptiste salariée chez un ophtalmo à Saumur
Depuis 2004             Orthoptiste au CHU d'Angers

2. Pouvez-vous nous présenter votre dernier travail de recherche (en cours ou terminé) ?

J'ai récemment participé à une recherche, menée par un interne en ophtalmologie, dans le cadre de sa thèse sur l'étude des mouvements oculaires de patients glaucomateux pré-périmétriques. Pour ce travail de recherche, j'ai réalisé le screening et l'enregistrement de la vidéo-oculographie de la population de témoins.

Dans un cadre professionnel plus centré sur l'analyse de mon activité, j'ai élaboré un projet de recherche en orthoptie qui porte sur la faisabilité d'une vidéo-oculographie chez les patients atteints de la maladie de Huntington. Nous sommes partis du postulat que les mouvements oculaires se modifient au cours de l'évolution de la maladie de Huntington. L'hypothèse de ce travail est de savoir s'il serait possible de faire un enregistrement oculographique de ces patients et d'obtenir ainsi des données supplémentaires de suivi pour le neurologue.

4. Pourquoi vous êtes-vous investi dans la recherche en soins ?

Mon investissement dans la recherche en soin a pour objectif principal d'apporter une dimension scientifique à la pratique clinique.

5. Pourquoi avez-vous choisi la voie de la recherche en soins ? Est-ce quelque chose qui vous a toujours tenté ou bien est-ce qu'une rencontre a été déterminante dans votre vie ?

C’est l’arrivée de mon chef de service le Professeur Dan Miléa qui a déclenché ma curiosité pour la recherche, et particulièrement la recherche en soins. On peut donc dire que cette rencontre a été déterminante. Avant cela, je participais déjà de manière très ponctuelle à des protocoles de recherches industriels au sein de mon service.

6. Etre chercheur et professionnel de santé, cela doit donner un emploi du temps chargé : pouvez-vous nous en donner un aperçu ?

Il ne faut effectivement pas compter ses heures de travail, mais quand le projet est stimulant, les efforts sont d’autant plus faciles à faire.
Le projet de recherche ne nous occupe pas à 100% du temps de travail au CHU. Les besoins sont ponctuels et il faut pouvoir se détacher de sa tâche de soignant. Dans une équipe, la compréhension de nos collègues directs est capitale.
Actuellement je dispose d’une à deux demi-journées pendant lesquelles je peux avancer mon propre projet de recherche mais également aider d’autres projets en cours dans le service.
Le reste du temps, j’exerce mon métier d’orthoptiste mais avec le risque d’être sollicitée régulièrement pour des questions plus cliniques.

… Et puis, en plus de tout cela, il ne faut pas oublier le temps passé à lire des articles scientifiques sur les bases de données telles que PubMed.

7. Pensez-vous que la recherche en soins prend aujourd’hui un tournant ?

J’espère... Je pense que oui, à ma propre échelle au CHU d’Angers. Je n’ai malheureusement pas de vue globale nationale.

8. Aujourd’hui, vous sentez-vous reconnue en tant que chercheur en soins ? Pourquoi ?

Pas encore. Mon projet est accepté à l’appel d’offre du CHU mais n’a pas encore démarré.

9. Pensez-vous que la recherche en soins gagnerait à être plus médiatisée en France ?

Certainement ! Il faut aussi que nous prenions soin de divulguer l’information aux jeunes arrivants dans nos services.

10. Les moyens dont vous disposez vous semblent-ils suffisant ? Adaptés ?

Pour le moment oui, mais surtout grâce à un réseau de connaissances qui m’épaule dans mon projet.
La motivation des chercheurs participe à créer ce réseau et je compte aussi sur la Maison de la Recherche du CHU d'Angers pour guider les plus jeunes avec moins d’expérience.

11. Que souhaiteriez-vous voir développer pour soutenir vos travaux ?

La communication sur les projets en cours pourrait permettre une meilleure compréhension de l’intérêt de la recherche qui parfois semble obscure pour certains.

12. Quels sont les freins les plus forts auxquels vous avez du faire face ?

Le poids des démarches administratives liés à la mise en œuvre de ce type de projet !
Le nombre de démarches est important et il faut pouvoir se dégager afin de les préparer et de s'y soumettre. Toutes ces autorisations et demandes de déplacements nécessitent d'être entouré de cadres de santé compréhensifs et bienveillants… La dynamique enclenchée au CHU d'Angers va sans nulle doute permettre aux mentalités de tous d'évoluer pour permettre un soutien plus marqué aux investigateurs paramédicaux de projets de recherche.

13. Travaillez-vous en réseau ?

Pas personnellement.

14. Quels sont vos projets dans le domaine de la recherche en soins ?

Pousser mes jeunes collègues motivés par le travail en CHU à développer la recherche en soin, à monter des projets…à chercher des idées

15. Avez-vous participé aux 1ères journées Francophones de la recherche en soins ? Qu’en avez-vous retiré ? Une suggestion pour la prochaine édition ?

Malheureusement non ! La spécificité de mon poste et l'organisation du service n'ont pas permis que je puisse me libérer. J’ai trouvé cela regrettable alors que j’étais porteuse d’un projet.

16.  Le mot de la fin…

La recherche est un excellent stimulant intellectuel !
Il faut montrer l’exemple aux jeunes et leur donner envie…

vendredi 11 octobre 2013

Daniel Benlahouès



1. Quel est votre parcours professionnel ?
Après une carrière de 11 ans comme infirmier en service de réanimation polyvalente, je me suis orienté vers la formation initiale en soins infirmiers via le passage obligé par l’Ecole des Cadres de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris). Mon exercice professionnel de formateur m’a conduit à travailler sur des projets pédagogiques très variés et à occuper des responsabilités différentes au sein de l’IFSI Bicêtre. Un Master en Sciences de l’Education suivit à l’Université Paris Descartes – Paris V m’a offert l’opportunité de réaliser un travail de recherche en ayant les moyens matériels et pédagogiques de mener un projet à son terme.


2. Pouvez-vous nous présenter votre dernier travail de recherche (en cours ou terminé) ?
Il s’agit d’études qualitatives conduites dans le cadre d’un master en Sciences de l’éducation (2011 et 2012). Il aborde de façon scientifique le calcul de doses médicamenteuses qui est une étape essentielle de la mise en œuvre d’une thérapeutique complètement intégrée par les professionnels et malgré cela, des erreurs médicamenteuses surviennent avec des conséquences dramatiques. En master 1, un état des lieux a été mené auprès de 9 infirmiers(es) de réanimation par l’intermédiaire d’observations, de films et d’entretiens semi-directifs avec un cadre théorique inscrit dans le champ de la didactique professionnelle. En master 2, l’enquête a été réalisée au moyen d’entretiens semi-directifs auprès de huit infirmières de différentes spécialités d’un CHU. Cela a permis de cerner au plus prêt la notion d’erreur en inscrivant la réflexion dans le cadre de la gestion des risques (Reason), de l’analyse de l’activité (Leplat) et du modèle de compromis cognitif d’Amalberti. Les principaux résultats ont montré que la sécurité des pratiques individuelles est renforcée par une culture collective de la vérification. Les raisonnements utilisés recherchent la simplicité et la rationalité pour des dilutions faciles à manipuler (rapport masse/volume : 1/1 ; 1/10 ; 2/1) au plan pratique mais également au plan cognitif. Une typologie de l’erreur de calcul a été construite. La notion d’erreur étant difficile a observer et à détecter c’est la notion de doute qui a servi de medium pour analyser l’activité des infirmiers(es). La culture du doute permet aux infirmières de sécuriser la pratique du calcul quelque soit le niveau de confiance en soi. Les métacompétences régulent cette activité conduisant à réduire le risque d’erreur grâce à une conscience aiguë de ce dernier de la part des infirmières.

3. Pourquoi vous êtes-vous investi dans la recherche en soins ?
Il y a de nombreuses raisons à l’origine de cet engagement dans la recherche en soins mais les principales sont les trois suivantes :
En premier lieu, j’évoquerai la dimension scientifique. Le référentiel de 2009 a mis en lumière cette dimension dans la construction professionnelle des futurs infirmiers. Les concepts sous-jacents au programme (travail fondé sur les preuves notamment) m’ont conduit à vouloir renforcer cette approche dans le but de construire une réelle culture scientifique chez les infirmiers  d’aujourd’hui et de demain (ambition louable mais projet démesuré).
La deuxième est en lien avec l’envie d’écrire avec une participation très active à l’écriture professionnelle au travers d’articles dans les revues Soins et Oxymag et comme membre du comité de rédaction de la revue L’Aide-soignante pendant 6 ans.
La troisième tient à l’idée de créer une dynamique de recherche dans le milieu infirmier et plus particulièrement dans la formation qui doit être à la fois le lieu de l’enseignement de la méthodologie de la recherche en formation en soins infirmiers mais qui doit devenir un lieu de production de connaissances en pédagogie mais également en clinique avec les infirmiers sur leurs lieux d’exercice et en lien avec leurs préoccupations. Ce lien fort me semble essentiel à développer pour créer des réseaux au sein de notre profession.


4. Pourquoi avez-vous choisi la voie de la recherche en soins ? Est-ce quelque chose qui vous a toujours tenté ou bien est-ce qu'une rencontre a été déterminante dans votre vie ?
Je mentirais en prétendant que dès le début de ma carrière j’ai pensé à la recherche mais  mon engagement professionnel d’infirmier dans l’association des infirmiers de réanimation (Sfisi) m’a dirigé très tôt dans cette voie en participant à des travaux de réflexion ou des travaux présentés lors de congrès. En tant que représentant européen de cette association, j’ai participé à la commission Recherche et Développement de la fédération européenne (EfCCNa) et j’ai ainsi pu coordonner des travaux de recherche comme référent pour la France sur des études faites dans 20 pays en même temps sur la formation en Europe, la nutrition ou encore les priorités de recherche en réanimation.


5. Être chercheur et professionnel de santé, cela doit donner un emploi du temps chargé : pouvez-vous nous en donner un aperçu ?
Le titre de chercheur à mon endroit me semble pour l’instant quelque peu prétentieux dans la mesure où je conçois une activité de recherche comme une part conséquente de mon activité professionnelle et reconnue en tant que telle. Ce n’est pas le cas actuellement et le dossier de bourse doctorale que je vais représenter dans mon institution est une activité plus personnelle que professionnelle. Le moyen de maintenir ce « statut » consiste à travailler sur l’écriture d’articles scientifiques dans le but de publier le travail réalisé en master dans des revues scientifiquement reconnues ou de présenter des posters scientifiques dans des congrès de recherche tel que les JFRS 2013. Il s’agit donc plus particulièrement de travail sur le temps personnel qui est complété par de la veille documentaire et de la lecture de références théoriques.


6. Pensez-vous que la recherche en soins prend aujourd'hui un tournant ?
Oui très clairement, on sent une dynamique qui se met en place. J’en veux pour preuve la structuration autour de postes de responsable de la recherche paramédicale qui se créent dans les différents CHU français. Je pense à Limoges, Bordeaux, Toulouse et peut-être bientôt Angers. Un réseau est en train de se créer même si pour l’instant nous n’en sommes qu’aux balbutiements de ce type d’organisation. Il existe aujourd’hui beaucoup de choses qui sont de l’ordre de l’informel même s’il existe des regroupements plus officiels comme le réseau des chercheurs fédéré par le site de l’ARSI (Association de recherche en soins  infirmiers) et le réseau ResIdoc (Réseau des infirmiers docteurs en Sciences) accessible via le site de l’ARSI également.


7. Aujourd'hui, vous sentez-vous reconnu en tant que chercheur en soins ? Pourquoi ?
Non je ne pense pas. Je suis officiellement formateur, c’est une activité à temps plein. Je suis officieusement chercheur et c’est une activité à « temps plein personnel» si je peux dire cela.
Un statut de chercheur doit passer par une reconnaissance sociale qui se traduit par un poste identifié, à temps partiel ou à temps plein, soit au sein d’une structure de recherche paramédicale originale soit dans un pôle de recherche clinique en partenariat avec les médecins.


8. Pensez-vous que la recherche en soins gagnerait à être plus médiatisée en France ?
Très probablement mais là, je pense que c’est à la profession de se saisir de cette question. Il y a une réflexion très profonde à mener sur les objectifs que nous souhaitons poursuivre et la place que nous souhaitons occuper dans le paysage de la santé. La recherche ne doit surtout pas être une fin en soi mais bien un moyen d’améliorer la qualité des soins et donc le service rendu au patient.


9. Les moyens dont vous disposez vous semblent-ils suffisants ? adaptés ?
Absolument pas !
Pour envisager des travaux de recherche, il faut du temps dédié pour cette activité et c’est un luxe que je ne peux pas me permettre dans mon activité de formateur puisqu’il n’existe aucune reconnaissance particulière. C’est à nous, professionnels de santé de créer les conditions de cette reconnaissance en valorisant et en diffusant les travaux et donc en les médiatisant au mieux.


10. Que souhaiteriez-vous voir développer pour soutenir vos travaux ?
Il faut poursuivre les incitations financières via les PHRIP, les PREPS et autres bourses de recherche auxquels les infirmiers peuvent prétendre pour leurs travaux. Il faut également poursuivre le développement des bourses pour les appels à candidature interne dans les CHU. En complément de cela il faut que la profession apprenne à se repérer dans ces dispositifs auxquels on peut s’inscrire pour décrocher un financement.
L’AP-HP propose des bourses pour des masters ou des doctorats mais cela reste encore peu connu dans l’institution et reste à une échelle relativement réduite.
Il faut bien sûr développer des structures de formation spécifiques pour former les infirmiers à la recherche clinique. Les unités de recherche cliniques ont vocation à soutenir les projets dans les hôpitaux mais je pense qu’il faut aller plus loin  et que les infirmiers se forment aux méthodologies d’enquête, aux statistiques, à la recherche documentaire, …


11. Quels sont les freins les plus forts auxquels vous avez  du  faire  face ?
L’un des premiers freins est la difficulté d’accéder à des banques de données universitaires. Pendant la durée de l’inscription universitaire vous bénéficiez de cet accès. Dès votre cursus terminé, cet abonnement disparait et vous êtes donc limité dans vos possibilités notamment en terme d’accès à des articles en « full text » ou des revues spécifiques payantes. Il faudrait donc que l’on puisse avoir accès à ces bibliothèques universitaires cela me semble être un préalable.
Le deuxième je l’ai déjà cité précédemment, il faut pouvoir dégager du temps pour travailler mais également pour se former. Il existe peu de formations spécifiques hors des cursus universitaires.


12. Travaillez-vous en réseau ?
Oui mais dans des micros réseaux pour l’instant.
Un premier réseau est animé par le directeur de mémoire de mon master (Pr Eric Roditi) qui tente de construire une petite cellule autour de la thématique des calculs de doses et de la didactique professionnelle. 
Un deuxième réseau existe avec l’association professionnelle dans laquelle je suis engagé au niveau français et au niveau européen puisque là, je côtoie des infirmiers qui sont docteurs dans le domaine de la réanimation (Pays-Bas, Angleterre, Grèce ...). 
Un troisième avec les étudiants du master de sciences de l’éducation de Descartes (Paris V) via notamment un groupe d’échange sur Facebook alimenté au plan scientifique par une des responsables du master (Eliane Bautzer).


13. Quels sont vos projets dans le domaine de la recherche en soins ?
L’objectif prioritaire est la publication dans une revue professionnelle infirmière et une revue de didactique professionnelle. Ensuite il y a la participation à des colloques de recherche pour participer aux échanges avec les professionnels via des posters ou des présentations.
La poursuite du travail sur les calculs de doses devrait se faire par un projet de thèse pour travailler sur la validation d’une typologie des erreurs dans cette activité et une analyse de l’activité de calcul et de préparation médicamenteuse.


14. Avez-vous participé aux 1è Journées Francophones de la Recherche en Soins (JFRS 2013) ? Qu'en avez-vous retiré ? Une suggestion pour la prochaine édition ?
J’ai eu la chance de participer à ces journées qui ont vraiment apporté une première pierre à l’édifice que nous souhaitons construire avec la recherche en soins. Le niveau scientifique des présentations était très élevé avec des acteurs clés dans les différents champs en lien avec la recherche (infirmiers chercheurs,  médecins chercheurs, responsables du ministère, décideurs institutionnels hospitaliers).

15. Le mot de la fin…
Il apparaît que de telles journées doivent se multiplier en région et que la profession se saisisse de ces opportunités pour montrer son dynamisme et son engagement dans la voie de la recherche. Tous les exercices infirmiers doivent faire vivre la recherche, les hospitaliers mais également les libéraux, les territoriaux,…
Je garderai à titre personnel un souvenir d’autant plus ému que mon travail a été récompensé par le prix du jeune chercheur.
Vivement les JFRS 2015 !!!