1. Quel est
votre parcours professionnel ?
Après une carrière de 11 ans comme infirmier en service de réanimation polyvalente, je me suis orienté vers la formation initiale en soins infirmiers via le passage obligé par l’Ecole des Cadres de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris). Mon exercice professionnel de formateur m’a conduit à travailler sur des projets pédagogiques très variés et à occuper des responsabilités différentes au sein de l’IFSI Bicêtre. Un Master en Sciences de l’Education suivit à l’Université Paris Descartes – Paris V m’a offert l’opportunité de réaliser un travail de recherche en ayant les moyens matériels et pédagogiques de mener un projet à son terme.
Après une carrière de 11 ans comme infirmier en service de réanimation polyvalente, je me suis orienté vers la formation initiale en soins infirmiers via le passage obligé par l’Ecole des Cadres de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris). Mon exercice professionnel de formateur m’a conduit à travailler sur des projets pédagogiques très variés et à occuper des responsabilités différentes au sein de l’IFSI Bicêtre. Un Master en Sciences de l’Education suivit à l’Université Paris Descartes – Paris V m’a offert l’opportunité de réaliser un travail de recherche en ayant les moyens matériels et pédagogiques de mener un projet à son terme.
2.
Pouvez-vous nous présenter votre dernier travail de recherche (en cours ou
terminé) ?
Il s’agit d’études qualitatives conduites dans le
cadre d’un master en Sciences de l’éducation (2011 et 2012). Il aborde de façon
scientifique le calcul de doses médicamenteuses qui est une étape essentielle
de la mise en œuvre d’une thérapeutique complètement intégrée par les
professionnels et malgré cela, des erreurs médicamenteuses surviennent avec des
conséquences dramatiques. En master 1, un état des lieux a été mené auprès de 9
infirmiers(es) de réanimation par l’intermédiaire d’observations, de films et
d’entretiens semi-directifs avec un cadre théorique inscrit dans le champ de la
didactique professionnelle. En master 2, l’enquête a été réalisée au moyen
d’entretiens semi-directifs auprès de huit infirmières de différentes
spécialités d’un CHU. Cela a permis de cerner au plus prêt la notion d’erreur
en inscrivant la réflexion dans le cadre de la gestion des risques (Reason), de
l’analyse de l’activité (Leplat) et du modèle de compromis cognitif d’Amalberti.
Les principaux résultats ont montré que la sécurité des pratiques individuelles
est renforcée par une culture collective de la vérification. Les raisonnements
utilisés recherchent la simplicité et la rationalité pour des dilutions faciles
à manipuler (rapport masse/volume : 1/1 ; 1/10 ; 2/1) au plan
pratique mais également au plan cognitif. Une typologie de l’erreur de calcul a
été construite. La notion d’erreur étant difficile a observer et à détecter
c’est la notion de doute qui a servi de medium pour analyser l’activité des
infirmiers(es). La culture du doute permet aux infirmières de sécuriser la
pratique du calcul quelque soit le niveau de confiance en soi. Les
métacompétences régulent cette activité conduisant à réduire le risque d’erreur
grâce à une conscience aiguë de ce dernier de la part des infirmières.
3. Pourquoi
vous êtes-vous investi dans la recherche en soins ?
Il y a de nombreuses raisons à l’origine de cet
engagement dans la recherche en soins mais les principales sont les trois
suivantes :
En premier lieu, j’évoquerai la dimension
scientifique. Le référentiel de 2009 a mis en lumière cette dimension dans la
construction professionnelle des futurs infirmiers. Les concepts sous-jacents
au programme (travail fondé sur les preuves notamment) m’ont conduit à vouloir
renforcer cette approche dans le but de construire une réelle culture
scientifique chez les infirmiers d’aujourd’hui
et de demain (ambition louable mais projet démesuré).
La deuxième est en lien avec l’envie d’écrire avec
une participation très active à l’écriture professionnelle au travers
d’articles dans les revues Soins et Oxymag et comme membre du comité de
rédaction de la revue L’Aide-soignante pendant 6 ans.
La troisième tient à l’idée de créer une dynamique de
recherche dans le milieu infirmier et plus particulièrement dans la formation
qui doit être à la fois le lieu de l’enseignement de la méthodologie de la
recherche en formation en soins infirmiers mais qui doit devenir un lieu de
production de connaissances en pédagogie mais également en clinique avec les
infirmiers sur leurs lieux d’exercice et en lien avec leurs préoccupations. Ce
lien fort me semble essentiel à développer pour créer des réseaux au sein de
notre profession.
4. Pourquoi
avez-vous choisi la voie de la recherche en soins ? Est-ce quelque chose qui vous
a toujours tenté ou bien est-ce qu'une rencontre a été déterminante dans votre vie
?
Je mentirais en prétendant que dès le début de ma
carrière j’ai pensé à la recherche mais
mon engagement professionnel d’infirmier dans l’association des
infirmiers de réanimation (Sfisi) m’a dirigé très tôt dans cette voie en
participant à des travaux de réflexion ou des travaux présentés lors de
congrès. En tant que représentant européen de cette association, j’ai participé
à la commission Recherche et Développement de la fédération européenne (EfCCNa)
et j’ai ainsi pu coordonner des travaux de recherche comme référent pour la
France sur des études faites dans 20 pays en même temps sur la formation en
Europe, la nutrition ou encore les priorités de recherche en réanimation.
5. Être
chercheur et professionnel de santé, cela doit donner un emploi du temps chargé
: pouvez-vous nous en donner un aperçu ?
Le titre de chercheur à mon endroit me semble pour
l’instant quelque peu prétentieux dans la mesure où je conçois une activité de
recherche comme une part conséquente de mon activité professionnelle et
reconnue en tant que telle. Ce n’est pas le cas actuellement et le dossier de
bourse doctorale que je vais représenter dans mon institution est une activité
plus personnelle que professionnelle. Le moyen de maintenir ce
« statut » consiste à travailler sur l’écriture d’articles
scientifiques dans le but de publier le travail réalisé en master dans des
revues scientifiquement reconnues ou de présenter des posters scientifiques
dans des congrès de recherche tel que les JFRS 2013. Il s’agit donc plus particulièrement
de travail sur le temps personnel qui est complété par de la veille
documentaire et de la lecture de références théoriques.
6.
Pensez-vous que la recherche en soins prend aujourd'hui un tournant ?
Oui très clairement, on sent une dynamique qui se met
en place. J’en veux pour preuve la structuration autour de postes de
responsable de la recherche paramédicale qui se créent dans les différents CHU
français. Je pense à Limoges, Bordeaux, Toulouse et peut-être bientôt Angers.
Un réseau est en train de se créer même si pour l’instant nous n’en sommes
qu’aux balbutiements de ce type d’organisation. Il existe aujourd’hui beaucoup
de choses qui sont de l’ordre de l’informel même s’il existe des regroupements plus
officiels comme le réseau des chercheurs fédéré par le site de l’ARSI
(Association de recherche en soins
infirmiers) et le réseau ResIdoc (Réseau des infirmiers docteurs en
Sciences) accessible via le site de l’ARSI également.
7.
Aujourd'hui, vous sentez-vous reconnu en tant que chercheur en soins ? Pourquoi ?
Non je ne pense pas. Je suis officiellement
formateur, c’est une activité à temps plein. Je suis officieusement chercheur
et c’est une activité à « temps plein personnel» si je peux dire cela.
Un statut de chercheur doit passer par une reconnaissance
sociale qui se traduit par un poste identifié, à temps partiel ou à temps
plein, soit au sein d’une structure de recherche paramédicale originale soit
dans un pôle de recherche clinique en partenariat avec les médecins.
8.
Pensez-vous que la recherche en soins gagnerait à être plus médiatisée en
France ?
Très probablement mais là, je pense que c’est à la
profession de se saisir de cette question. Il y a une réflexion très profonde à
mener sur les objectifs que nous souhaitons poursuivre et la place que nous
souhaitons occuper dans le paysage de la santé. La recherche ne doit surtout
pas être une fin en soi mais bien un moyen d’améliorer la qualité des soins et
donc le service rendu au patient.
9. Les
moyens dont vous disposez vous semblent-ils suffisants ? adaptés ?
Absolument pas !
Pour envisager des travaux de recherche, il faut du
temps dédié pour cette activité et c’est un luxe que je ne peux pas me
permettre dans mon activité de formateur puisqu’il n’existe aucune
reconnaissance particulière. C’est à nous, professionnels de santé de créer les
conditions de cette reconnaissance en valorisant et en diffusant les travaux et
donc en les médiatisant au mieux.
10. Que
souhaiteriez-vous voir développer pour soutenir vos travaux ?
Il faut poursuivre les incitations financières via
les PHRIP, les PREPS et autres bourses de recherche auxquels les infirmiers
peuvent prétendre pour leurs travaux. Il faut également poursuivre le
développement des bourses pour les appels à candidature interne dans les CHU.
En complément de cela il faut que la profession apprenne à se repérer dans ces
dispositifs auxquels on peut s’inscrire pour décrocher un financement.
L’AP-HP propose des bourses pour des masters ou des
doctorats mais cela reste encore peu connu dans l’institution et reste à une
échelle relativement réduite.
Il faut bien sûr développer des structures de
formation spécifiques pour former les infirmiers à la recherche clinique. Les
unités de recherche cliniques ont vocation à soutenir les projets dans les
hôpitaux mais je pense qu’il faut aller plus loin et que les infirmiers se forment aux
méthodologies d’enquête, aux statistiques, à la recherche documentaire, …
11. Quels
sont les freins les plus forts auxquels vous avez du faire face ?
L’un des premiers freins est la difficulté d’accéder
à des banques de données universitaires. Pendant la durée de l’inscription
universitaire vous bénéficiez de cet accès. Dès votre cursus terminé, cet
abonnement disparait et vous êtes donc limité dans vos possibilités notamment
en terme d’accès à des articles en « full text » ou des revues
spécifiques payantes. Il faudrait donc que l’on puisse avoir accès à ces
bibliothèques universitaires cela me semble être un préalable.
Le deuxième je l’ai déjà cité précédemment, il faut
pouvoir dégager du temps pour travailler mais également pour se former. Il
existe peu de formations spécifiques hors des cursus universitaires.
12.
Travaillez-vous en réseau ?
Oui mais dans des micros réseaux pour l’instant.
Un premier réseau est animé par le directeur de
mémoire de mon master (Pr Eric Roditi) qui tente de construire une petite
cellule autour de la thématique des calculs de doses et de la didactique
professionnelle.
Un deuxième réseau existe avec l’association
professionnelle dans laquelle je suis engagé au niveau français et au niveau
européen puisque là, je côtoie des infirmiers qui sont docteurs dans le domaine
de la réanimation (Pays-Bas, Angleterre, Grèce ...).
Un troisième avec les étudiants du master de sciences
de l’éducation de Descartes (Paris V) via notamment un groupe d’échange sur
Facebook alimenté au plan scientifique par une des responsables du master
(Eliane Bautzer).
13. Quels
sont vos projets dans le domaine de la recherche en soins ?
L’objectif prioritaire est la publication dans une
revue professionnelle infirmière et une revue de didactique professionnelle.
Ensuite il y a la participation à des colloques de recherche pour participer
aux échanges avec les professionnels via des posters ou des présentations.
La poursuite du travail sur les calculs de doses
devrait se faire par un projet de thèse pour travailler sur la validation d’une
typologie des erreurs dans cette activité et une analyse de l’activité de
calcul et de préparation médicamenteuse.
14.
Avez-vous participé aux 1è Journées Francophones de la Recherche
en Soins (JFRS 2013)
? Qu'en avez-vous retiré ? Une suggestion pour la prochaine édition ?
J’ai
eu la chance de participer à ces journées qui ont vraiment apporté une première
pierre à l’édifice que nous souhaitons construire avec la recherche en soins.
Le niveau scientifique des présentations était très élevé avec des acteurs clés
dans les différents champs en lien avec la recherche (infirmiers chercheurs, médecins chercheurs, responsables du ministère,
décideurs institutionnels hospitaliers).
15. Le mot
de la fin…
Il apparaît que de telles journées doivent se multiplier
en région et que la profession se saisisse de ces opportunités pour montrer son
dynamisme et son engagement dans la voie de la recherche. Tous les exercices
infirmiers doivent faire vivre la recherche, les hospitaliers mais également
les libéraux, les territoriaux,…
Je garderai à titre personnel un souvenir d’autant
plus ému que mon travail a été récompensé par le prix du jeune chercheur.
Vivement les JFRS 2015 !!!
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